Le professeur Alexandre Dézé, professeur des universités en science politique, fait l’objet d’une plainte en diffamation de l’IFOP après qu’il a, dans le journal le Monde, émis des critiques sur les faiblesses méthodologiques d’un sondage. L’audience de plaidoirie relative à cette procédure a été fixée au 4 octobre 2024 devant la 17e Chambre du tribunal correctionnel de Paris. L’Association pour la Liberté Académique (ALIA) apporte son plein soutien au professeur Dézé et appelle à faire évoluer la loi pour protéger universitaires et chercheurs des procédures « bâillon ».
Alors qu’il s’apprêtait à publier son livre 10 Leçons sur les sondages politiques chez De Boeck, notre collègue Alexandre Dézé a appris qu’il faisait l’objet d’une plainte pour diffamation de la part de l’IFOP pour les propos suivants, tenus dans Le Monde du 11 septembre 2020, à propos d’une enquête de l’institut de sondages portant notamment sur le rapport des musulmans aux attentats de Charlie Hebdo : « Avec un échantillon aussi faible, de 515 personnes, ce sondage n’a aucune valeur et ses conclusions sont discutables. La faiblesse méthodologique est délirante et en même temps il y a une croyance indéboulonnable que ces sondages sont de la science ». Les critiques scientifiques des sondages d’opinion, qui en soulignent les faiblesses méthodologiques et le caractère pseudo-scientifique, ne sont pourtant pas une nouveauté.
L’Association pour la Liberté Académique (ALIA) apporte son plein soutien au professeur Dézé qui n’a fait que son travail en rappelant des faits scientifiquement établis. Les tentatives de judiciarisation du débat public comme du débat scientifique sont inacceptables. Les procédures bâillon visent à intimider, à faire perdre du temps et de l’argent et à faire commettre des erreurs aux chercheurs qui en sont victimes. La plainte pour diffamation en est l’une des modalités les plus courantes puisque la mise en examen en matière de diffamation publique est automatique. Il arrive le plus souvent que les plaintes portent délibérément sur des propos secondaires, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, incitant au refus de la protection fonctionnelle qui est pourtant un droit dès lors que les faits avérés sont en rapport avec l’activité professionnelle. L’association ALIA appelle à faire évoluer la loi pour protéger universitaires et chercheurs des procédures bâillon, en mettant fin à l’automaticité de la mise en examen lors de plaintes pour diffamation. Dès lors que les propos, supposés porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel il appartient, sont couverts par la liberté académique, la mise en examen doit devenir l’exception et non la règle.
Il convient de rappeler que la liberté académique est un principe à valeur générale visant à protéger l’exigence de rigueur et d’intégrité de la démarche et de la parole scientifiques de toute influence extérieure. Elle se décline en différentes libertés spécifiques à l’enseignement supérieur et à la recherche, parfois appelées « libertés universitaires » : la liberté de la recherche, la liberté pédagogique, la liberté de publication et la liberté d’expression dans le cadre académique. La liberté académique est étroitement liée au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs qui est reconnu par les lois de la République française et qui dispose d’une valeur constitutionnelle. Il appartiendra aux juges de tenir compte de ce principe dans le jugement qu’ils prononceront.
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